«Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix,
du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut […] » (Is 52, 7)
- Chers frères et sœurs dans le Christ et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté, à vous tous, grâce, paix et miséricorde de la part de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus-Christ. Au début de cette nouvelle année 2025, nous, Évêques de Centrafrique, réunis en Assemblée Plénière Ordinaire, implorons sur chacun de vous la bénédiction du Seigneur : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6, 24-26).
- Au niveau de l’Église universelle, l’année 2024 s’est achevée avec l’ouverture de la Porte Sainte de la Basilique Saint Pierre par le Pape François le 24 décembre dernier pour le jubilé de l’Espérance. Cet événement de grâces ne peut que raviver dans nos cœurs et mémoires l’ouverture, pour la première fois en dehors de Rome, de la Porte Sainte de la Cathédrale Notre Dame de l’Immaculée Conception par le Pape
François le 29 novembre 2015, faisant de Bangui « la capitale spirituelle
du monde » et de la terre centrafricaine le lieu où « commence » l’Année Sainte de la Miséricorde[1].
- L’année 2025, quant à elle, est consacrée à la célébration du Jubilé de l’Espérance. Pour l’Église-Famille de Dieu en Centrafrique, cette année 2025, par une grâce heureuse du Seigneur, s’ouvre avec la célébration de la clôture du 130ème anniversaire de l’Évangélisation de notre pays placée sous la thématique de l’envoi en mission par le Christ : « Centrafricain, Christ hier, aujourd’hui, demain, t’envoie ! ». Au travers de ce message, nous voulons rendre grâce à l’action de l’Esprit Saint, qui continue de guider et de conduire notre Église dans la vérité toute entière (cf. Jn 16, 13), nous pencher sur la mission aujourd’hui et prendre la mesure des défis et des chantiers qui s’imposent encore à nous.
I. ACTION DE GRÂCES AUX ŒUVRES DE L’ESPRIT
- «Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut […] » (Is 52, 7). Cette parole de consolation du prophète Isaïe résonne dans un contexte de crise de foi et d’espérance au moment où le peuple d’Israël est confronté aux dures réalités de l’exil à Babylone (586-538 avant Jésus-Christ). Le sentiment d’abandon, de désespoir et de résignation a largement entamé la mémoire des hauts faits de Dieu, Maître de l’histoire et des événements du monde et, par-dessus tout le Sauveur et le Protagoniste de la libération de la servitude en Égypte.
- Il en ressort un trait caractéristique fondamental de la mission prophétique. Le prophète est celui à qui Dieu fait la grâce de voir audelà du voile insurmontable des difficultés qui brouille la vision et empêche de regarder au-delà de l’horizon. C’est fort de cette grâce qu’il
peut annoncer la consolation, la joie, l’espérance, la vie, là où tous ne voient que lamentations et tristesses, désarrois et ossements desséchés (cf. Ez 37,1-28). Il est celui qui revigore la foi et annonce la conclusion d’une nouvelle alliance, là où le désespoir semble avoir le dernier mot. Tel un veilleur et un guetteur (cf. Ez. 33, 7-9), il scrute les pas du messager de la paix apportant la bonne nouvelle du salut et de la rédemption au-delà des montagnes.
- Cette parole du messager de la paix qui apporte la Bonne nouvelle, l’Église-Famille de Dieu en Centrafrique l’a entendue et reçue, voilà déjà 130 ans. La célébration de la clôture du jubilé d’Évangélisation de notre pays est ici l’occasion de rendre grâce au Seigneur, lui qui nous« a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9) en faisant de nous ses enfants et héritiers avec le Christ (cf. Rm 8, 17), son Fils unique, notre Rédempteur et Sauveur.
- L’Église-Famille de Dieu en Centrafrique veut ici rendre un vibrant hommage à tous les pionniers de la foi, aux infatigables missionnaires et hérauts de l’Évangile qui ont semé la bonne graine de la Parole de Dieu en terre centrafricaine. Ils ont délaissé leur famille et patrie et, au prix de sacrifices inimaginables et au péril de leur vie, bravé des dangers, des barrières et des résistances de tous genres pour semer la Bonne Nouvelle. Ils ont initié la traduction de la Parole de Dieu en langue nationale et vernaculaire. Ils ont formé des catéchistes-animateurs des communautés ecclésiales, construit des Églises et promu des vocations masculines et féminines. Ils se sont aussi beaucoup investis dans le domaine socio-éducatif et sanitaire par la construction de centres scolaires et d’alphabétisation, de formations techniques et professionnelles ayant efficacement contribué à l’apprentissage des métiers (agriculture et élevage, mécanique, couture, briqueterie, maçonnerie, plomberie, menuiserie, etc.) et à l’insertion socioéconomique de beaucoup de personnes ainsi que des postes et centres
de santé. L’intelligentsia centrafricaine, hier comme aujourd’hui, les cadres de ce pays, ont été, en grande partie, formés par l’Église et les écoles catholiques. Comment ne pas mentionner ici le nom du premier prêtre oubanguien, l’Abbé Barthélemy BOGANDA, Père Fondateur et socle de la nation centrafricaine ? Son engagement politique puise en grande partie dans sa foi, dans l’enseignement de l’Évangile et de la Doctrine Sociale de l’Église. Le Père Fondateur de la nation centrafricaine a grandement œuvré pour le rassemblement et l’unité nationale, pour la concorde et la paix. C’est avec beaucoup de préoccupations et d’inquiétudes que l’Église suit les clivages et les radicalisations des positions politiques. Elle invite les hommes politiques, qui se réclament tous du Président BOGANDA, à suivre son exemple en ne recherchant que les intérêts suprêmes de la nation centrafricaine. Son sang versé et celui de tant d’autres Centrafricains pour ce pays restent l’emblème symbolique du courage et du martyr de la Vérité, de la Justice, de l’Unité Nationale et de la Démocratie. Ces pionniers et nos Pères dans la foi reposent, pour certains aujourd’hui, dans nos cimetières d’Église comme de grains de blé tombés en terre qui portent des fruits en abondance (cf. Jn 12, 24).
II. LA MISSION AUJOURD’HUI
- La Parole de Dieu, semée en terre centrafricaine, a germé et poussé telle la minuscule graine de moutarde qui devient un arbre dont les branches et le feuillage offrent un abri aux oiseaux (cf. Mt 13, 31-32). Sous la conduite de l’Esprit-Saint, l’Église-Famille de Dieu en Centrafrique ne cesse de grandir en croissance et vitalité. La floraison continuelle des vocations sacerdotales et la présence importante de nombre de nos fils et filles qui se consacrent au Seigneur dans la vie religieuse et missionnaire en sont un signe évident.
- Comment ne pas penser ici aux catéchistes qui, un peu partout dans notre Église, souvent en l’absence de prêtres, tiennent et animent les chapelles et les communautés chrétiennes, préparent leurs frères et sœurs aux sacrements, accompagnent les malades et aident ceux et celles qui sont en fin de vie à effectuer leur passage vers le Père ?
- Comment ne pas penser aussi aux nombreuses associations des fidèleslaïcs, aux mouvements, fraternités et groupes de prière qui témoignent de la diversité des dons et des charismes de l’Esprit-Saint ? Par le témoignage chrétien de leur vie, ils sont le ferment de la foi, de l’espérance et de la charité chrétienne dans la pâte du monde. Auprès de nos frères et sœurs accablés et blessés par la vie, de ceux et celles qui souffrent dans nos quartiers et rues, dans les hôpitaux et les prisons, ils sont le signe et le visage compatissant du Christ qui aime, secourt et guérit.
- Chers frères et sœurs dans le Christ et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté ! Dans l’assomption de sa mission évangélisatrice et prophétique au service du développement humain intégral, de la justice, de la réconciliation et de la paix, notre Église ne pourra jamais se taire chaque fois que la vie et la dignité de l’autre, en particulier de celle des pauvres et des petits, des démunis et des laissés-pour-compte sont foulées au pied. Nous pensons ici entre autres aux populations de Zangba, de Kembè, de Mingala confrontées aux sévices des groupes armés, aux victimes du groupement de Yassi à Markounda et à celles exposées aux mines anti-personnelles sur les axes Bozoum – Tolè – Bocaranga, Yelowa et Ngaoui. L’Église reste profondément préoccupée par la situation de la jeunesse abandonnée à elle-même dans certaines localités de notre pays où la consommation de la drogue et des stupéfiants devient aujourd’hui l’exutoire de la résignation. Elle entend s’engager résolument à l’émergence d’un Centrafrique renouvelé, d’une société plus juste et équitable malgré la corruption ambiante, la recherche de gains faciles et égoïstes, les campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux, la contre-culture de la méfiance et de l’inimitié, de la désinformation et d’occultation de la vérité. Plusieurs chantiers et défis s’imposent ainsi encore à elle pour une Évangélisation en profondeur.
III. PERSPECTIVES, CHANTIERS ET DÉFIS
- À la lumière de la célébration de la clôture du 130ème anniversaire de l’Évangélisation de notre pays, l’Église est appelée à approfondir la pratique de l’inculturation en repensant son approche pastorale et méthodologique afin de promouvoir toujours davantage une relation dialogique et vivante entre l’Évangile et la culture, la vie et la Parole de Dieu. Un meilleur accompagnement et une plus grande sollicitude vis-àvis de l’effervescence spirituelle qui anime les mouvements et les fraternités, les groupes de prière et les Communautés Ecclésiales de Base (CEB) de nos paroisses devront être encouragés et consolidés. Dans cette dynamique, le pari de la formation des fidèles-laïcs du Christ (enfants, jeunes, femmes et hommes) et des catéchistes devra être un chantier sans cesse à reprendre. Notre Église devra aussi être sensible à l’action de l’Esprit qui suscite la foi en dehors de son sein chez ceux qui n’ont pas encore accueilli le Christ.
- Par ailleurs, la dynamique de l’autoprise en charge devra être poursuivie et consolidée avec un accent particulier sur le paradigme de la solidarité, du partage et de la péréquation entre les paroisses et les diocèses qui ont plus de ressources que d’autres. Dans cette perspective, il convient de rattacher une politique de gestion transparente des biens de l’Église et une culture de redevabilité pour asseoir la crédibilité de l’Église et honorer la confiance et la générosité des fidèles et autres bienfaiteurs.
- «Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut […] » (Is 52, 7). Chers frères et sœurs dans le Christ et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté ! Les pionniers de l’Évangélisation de notre pays ont souvent fait preuve de grande disponibilité pour la mission en acceptant d’être envoyés partout où le besoin se faisait sentir. Au moment où nous clôturons le 130ème anniversaire de l’Évangélisation de notre pays, nombre de nos diocèses souffrent grandement de manque de communautés religieuses tant masculines que féminines. À cet effet, nous invitons les communautés religieuses et les diocèses à écouter davantage l’appel des périphéries et à rejoindre nos frères et sœurs qui ne demandent qu’à écouter la Parole de Dieu et à recevoir les sacrements pour grandir dans leur vie de foi.
- Un autre défi qui s’impose à notre Église est celui de promouvoir et de valoriser les différences et la diversité comme source d’enrichissement mutuel et surtout comme reflet de l’identité même de Dieu, trois personnes différentes en une seule et même nature, contre les stigmatisations et la rhétorique de l’ethnocentrisme exclusif. En donnant l’exemple, elle devra exorciser en son sein les germes de division et de tribalisme et interpeler les autorités de notre pays pour plus de justice, d’inclusion et de participation dans la gestion de la chose publique. « Centrafricain, Christ hier, aujourd’hui, demain, t’envoie ! ». Sois lumière et porteur d’espérance pour notre Église et notre pays !
Puisse le Seigneur nous enseigner le chemin de la synodalité en Pèlerins de l’Espérance et que la Bienheureuse Très Sainte Vierge Marie, Mère de l’Église et de Centrafrique, intercède pour nous et conduise notre pays et notre Église toujours davantage à son Fils.
Donné en la Cathédrale Notre Dame
de l’Immaculée Conception à Bangui, le 12 janvier 2025.